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Programme de courts-métrages : Les films de la maison
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Ce programme est né des regards et des gestes de la Voix des Sans-Papiers et des deux cinéastes. Leur travail documente une lutte en cours, avec l’attention à ne jamais figer ce mouvement. Ils composent une collection de films qui, loin de filmer simplement une lutte, dessinent les contours d’une maison – comme un lieu à construire ensemble.

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Révélé en première mondiale à Locarno, le long métrage de Maxime Jean-Baptiste s’est distingué par un prix spécial du jury et une mention spéciale. D’autres prix ont suivi, tout comme un impressionnant parcours en festivals, notamment au Film Fest Gent et à l’IFFR. Dès le 16 juillet 2025, ce récit intime arrive enfin en salles.

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Le chantier des gosses (Jean Harlez, 1970)
Jean Harlez,

Dans les rues étriquées des Marolles, grouillent des gosses. Leur coin de paradis et d’illusions est un terrain vague où un beau jour arrivent des hommes en chapeau mou et d’autres en salopettes qui déploient des papiers… Doucement, la stupeur des gosses se transforme en révolte. Un film sur Bruxelles aux années cinquante, fait avec des gens de la rue.

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

Palace, Bruxelles
+ En présence de l'équipe et du casting
En salle
→ Le chantier des gosses
Le chantier des gosses (Jean Harlez, 1970)
Jean Harlez,

Dans les rues étriquées des Marolles, grouillent des gosses. Leur coin de paradis et d’illusions est un terrain vague où un beau jour arrivent des hommes en chapeau mou et d’autres en salopettes qui déploient des papiers… Doucement, la stupeur des gosses se transforme en révolte. Un film sur Bruxelles aux années cinquante, fait avec des gens de la rue.

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

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En salle
→ Le chantier des gosses
Le chantier des gosses (Jean Harlez, 1970)
Jean Harlez,

Dans les rues étriquées des Marolles, grouillent des gosses. Leur coin de paradis et d’illusions est un terrain vague où un beau jour arrivent des hommes en chapeau mou et d’autres en salopettes qui déploient des papiers… Doucement, la stupeur des gosses se transforme en révolte. Un film sur Bruxelles aux années cinquante, fait avec des gens de la rue.

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

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Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

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Le chantier des gosses (Jean Harlez, 1970)
Jean Harlez,

Dans les rues étriquées des Marolles, grouillent des gosses. Leur coin de paradis et d’illusions est un terrain vague où un beau jour arrivent des hommes en chapeau mou et d’autres en salopettes qui déploient des papiers… Doucement, la stupeur des gosses se transforme en révolte. Un film sur Bruxelles aux années cinquante, fait avec des gens de la rue.

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

En salle
→ Le chantier des gosses
Le chantier des gosses (Jean Harlez, 1970)
Jean Harlez,

Dans les rues étriquées des Marolles, grouillent des gosses. Leur coin de paradis et d’illusions est un terrain vague où un beau jour arrivent des hommes en chapeau mou et d’autres en salopettes qui déploient des papiers… Doucement, la stupeur des gosses se transforme en révolte. Un film sur Bruxelles aux années cinquante, fait avec des gens de la rue.

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

En salle
→ Le chantier des gosses
Le chantier des gosses (Jean Harlez, 1970)
Jean Harlez,

Dans les rues étriquées des Marolles, grouillent des gosses. Leur coin de paradis et d’illusions est un terrain vague où un beau jour arrivent des hommes en chapeau mou et d’autres en salopettes qui déploient des papiers… Doucement, la stupeur des gosses se transforme en révolte. Un film sur Bruxelles aux années cinquante, fait avec des gens de la rue.

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

En salle
→ Le chantier des gosses
Le chantier des gosses (Jean Harlez, 1970)
Jean Harlez,

Dans les rues étriquées des Marolles, grouillent des gosses. Leur coin de paradis et d’illusions est un terrain vague où un beau jour arrivent des hommes en chapeau mou et d’autres en salopettes qui déploient des papiers… Doucement, la stupeur des gosses se transforme en révolte. Un film sur Bruxelles aux années cinquante, fait avec des gens de la rue.

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

En salle
→ Le chantier des gosses
Le chantier des gosses (Jean Harlez, 1970)
Jean Harlez,

Dans les rues étriquées des Marolles, grouillent des gosses. Leur coin de paradis et d’illusions est un terrain vague où un beau jour arrivent des hommes en chapeau mou et d’autres en salopettes qui déploient des papiers… Doucement, la stupeur des gosses se transforme en révolte. Un film sur Bruxelles aux années cinquante, fait avec des gens de la rue.

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

En salle
→ Le chantier des gosses
Le chantier des gosses (Jean Harlez, 1970)
Jean Harlez,

Dans les rues étriquées des Marolles, grouillent des gosses. Leur coin de paradis et d’illusions est un terrain vague où un beau jour arrivent des hommes en chapeau mou et d’autres en salopettes qui déploient des papiers… Doucement, la stupeur des gosses se transforme en révolte. Un film sur Bruxelles aux années cinquante, fait avec des gens de la rue.

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

En salle
→ Le chantier des gosses
Le chantier des gosses (Jean Harlez, 1970)
Jean Harlez,

Dans les rues étriquées des Marolles, grouillent des gosses. Leur coin de paradis et d’illusions est un terrain vague où un beau jour arrivent des hommes en chapeau mou et d’autres en salopettes qui déploient des papiers… Doucement, la stupeur des gosses se transforme en révolte. Un film sur Bruxelles aux années cinquante, fait avec des gens de la rue.

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

En salle
→ Le chantier des gosses
Le chantier des gosses (Jean Harlez, 1970)
Jean Harlez,

Dans les rues étriquées des Marolles, grouillent des gosses. Leur coin de paradis et d’illusions est un terrain vague où un beau jour arrivent des hommes en chapeau mou et d’autres en salopettes qui déploient des papiers… Doucement, la stupeur des gosses se transforme en révolte. Un film sur Bruxelles aux années cinquante, fait avec des gens de la rue.

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

En salle
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Le chantier des gosses (Jean Harlez, 1970)
Jean Harlez,

Dans les rues étriquées des Marolles, grouillent des gosses. Leur coin de paradis et d’illusions est un terrain vague où un beau jour arrivent des hommes en chapeau mou et d’autres en salopettes qui déploient des papiers… Doucement, la stupeur des gosses se transforme en révolte. Un film sur Bruxelles aux années cinquante, fait avec des gens de la rue.

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

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Le chantier des gosses (Jean Harlez, 1970)
Jean Harlez,

Dans les rues étriquées des Marolles, grouillent des gosses. Leur coin de paradis et d’illusions est un terrain vague où un beau jour arrivent des hommes en chapeau mou et d’autres en salopettes qui déploient des papiers… Doucement, la stupeur des gosses se transforme en révolte. Un film sur Bruxelles aux années cinquante, fait avec des gens de la rue.

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

Avila, present!
→ Le chantier des gosses
Le chantier des gosses (Jean Harlez, 1970)
Jean Harlez,

Dans les rues étriquées des Marolles, grouillent des gosses. Leur coin de paradis et d’illusions est un terrain vague où un beau jour arrivent des hommes en chapeau mou et d’autres en salopettes qui déploient des papiers… Doucement, la stupeur des gosses se transforme en révolte. Un film sur Bruxelles aux années cinquante, fait avec des gens de la rue.

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

Le chantier des gosses

Texte d’introduction par Ruben Demasure   

 

Avec Le chantier des gosses (1970), l’autodidacte Jean Harlez (1924) réalise son grand rêve : faire un long-métrage dans le quartier bruxellois des Marolles. Avec les enfants du quartier et une caméra bricolée, Harlez improvise l’histoire d’une bande de gamins des rues qui défendent leur terrain vague contre les géomètres et les entrepreneurs qui veulent y implanter une tour de logements sociaux. La genèse du film fut une bataille aussi spectaculaire qu'éprouvante.

Les études historiques du cinéma belge situent le plus souvent Jean Harlez dans une tradition de “cinéastes du dimanche” obstinés, avec plus de passion que de moyens. Harlez a commencé son film de sa propre initiative en 1954. Poussé par un engagement social critique, il s'est intéressé à la vie quotidienne de la classe ouvrière. Sans intrigue artificielle ni tournage en studio, Harlez a filmé des amateurs locaux dans leur propre environnement. Lorsque des géomètres venaient réellement prendre des mesures pendant un jour de tournage, ils devenaient alors partie intégrante de l’histoire.

Pourtant, il fallut attendre 1970 pour trouver les dernières ressources essentielles à l'achèvement du son du film. “La Belgique préférait faire le plein de visiteurs à son Expo, et ce n'était pas opportun de montrer le revers de la médaille,” déclare Marcelle Dumont, la dialoguiste et épouse de Harlez, dans son discours lors de la projection de gala du film au palais des Congrès. Au milieu des années cinquante, le film montrait un quartier de notre capitale où les habitants devaient se débrouiller sans électricité ni toilettes, avec une seule pompe à eau dans toute la rue. 

Après la première, le film n’a pas pu tenter sa chance au cinéma. Après une diffusion à la télévision l’année suivante, l’histoire s’arrête. C'est du moins ce qu'il semblait. Jusqu'à ce que, bien des années plus tard, un employé du Cinéma Nova à Bruxelles rencontre par hasard Jean Harlez, et que la machine se remette en marche. En faisant du Chantier des gosses sa première sortie commerciale, le Nova fut auréolé d’un énorme succès. Le film est resté près de deux mois en salles. Au lancement de la plateforme de distribution Avila, il y a cinq ans, le film devenait disponible en VOD. À l’occasion des cent ans de Jean Harlez, ils ramènent le film en salle.

Mis à part le lieu de tournage, avant de commencer, Harlez n’était sûr que d’une chose : il voulait filmer les enfants en raison de leur sincérité. Le terrain vague qui leur sert de terrain de jeu était le résultat de la récente deuxième Guerre Mondiale. La blessure fut infligée au quartier par une bombe V1 qui, le 8 novembre 1944 (après la Libération), avait pour cible le Palais de Justice. L'impact a provoqué l'effondrement des voûtes du théâtre de Toone. La dynastie des théâtres de marionnettes folkloriques Toone est exactement aussi vieille que la Belgique, et provient de la tradition des pièces de marionnettes satiriques contre les détenteurs du pouvoir. Grâce à Harlez, ce ground zero fut à nouveau le théâtre malicieux d'une bataille contre des promoteurs immobiliers qui tirent fermement les ficelles.

Les enfants sont une représentation idéale des sans-voix. Dans un monde d’adultes, ils gardent un regard émerveillé. Le chantier des gosses commence sur des images d'ensemble de la façade et de l'arrière du Palais de Justice, alors pas encore le chantier éternel de ces quarante dernières années. Sur la balustrade, avec vue sur le quartier des Marolles, un garçon et une fille rentrent dans le cadre en marchant. Ensuite, le spectateur se joint aux enfants. À travers leurs yeux, il se place au point de vue panoramique que les touristes de l’Expo 58 emprunteront exactement au même endroit quelques années plus tard. Cela représente en même temps une résistance à la vision orthodoxe et rationnelle des géomètres et de l'enseignant qui leur apprend à calculer les volumes en classe. Pour les enfants, la rue est l’école d’apprentissage naturelle. Sous le mastodonte de la justice qui surplombe la ville, ils vivent eux-mêmes une injustice et prennent les choses en main. Derrière cette même balustrade, les garçons font pipi sur deux agents de police en contrebas, et tourmentent les figures d’autorité tels Quick et Flupke. À la fin du film, l’image d’ouverture du jeune couple contemplatif revient une dernière fois.  Seulement, on ne regarde plus par dessus la balustrade. À la place, c'est une contre-plongée des nouvelles tours d’habitation qui enferment, aveuglantes, la quasi-totalité du cadre. Le petit couple s’en va, chacun de son côté. 


Ce texte est une version remaniée d’un texte publié en en 2021 dans Sabzian. La version non abrégée est disponible en ligne

 

Ruben Demasure

Coordinateur Art Cinema OFFoff et assistant d’enseignement Cinéma UAntwerpen

En salle
→ Les gens du quartier
Les gens du quartier (Jean Harlez, 1955)
Jean Harlez,

Au cœur des Marolles, la vie populaire garde son rythme propre. Déambulant avec son bidon sur le dos, le vieux marchand de coco sert de la limonade à la réglisse aux gens du quartier. Un document précieux sur le petit commerce bruxellois des années 1950.

Palace, Bruxelles
+ En présence de l'équipe et du casting
En salle
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En salle
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Cinéma Plaza, Hotton
+ Q&A avec Maxime Jean-Baptiste
En salle
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→ Globes
→ Apple Cider Vinegar
Natuurpunt Jabbeke, Jabbeke
+ Q&A avec Sofie Benoot

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