Les pierres sont à la fois l'un des éléments de construction les plus fondamentaux et les plus négligés de notre monde. Lorsqu’une narratrice fictive de documentaires sur la nature à la retraite se penche sur son calcul rénal, elle décide de raconter une dernière histoire : celle des pierres oubliées de notre monde. Apple Cider Vinegar est un essai cinématographique hypnotique qui pose des questions écologiques urgentes, et nous emmène dans un voyage à la rencontre de tailleurs de pierre palestiniens, de géologues britanniques passionnés et des habitants des champs de lave de Fogo.
« En radicalisant le geste auto-ethnographique qui a le souci de situer son point de vue, le film installe le récit dans le corps. C'est l'élimination d'un calcul rénal du corps de la narratrice qui guide le film, car ce petit galet retiré du corps devient le point de départ d'une vaste enquête sur la pierre. »
Nina Alexandraki
« Un jour, les algorithmes de YouTube m'ont montré une vidéo sur le plus gros calcul rénal du monde. Ce calcul rénal était beau, repoussant, surprenant. Le monde des minéraux et le monde humain, que l’on pense éloignés l'un de l'autre, se rejoignaient dans le corps humain. J'ai trouvé cette idée vertigineuse, déroutante et troublante. J'ai repensé aux rêves de mon enfance. »
Sofie Benoot
« Les pierres constituent la base de notre monde, mais il est difficile de trouver une histoire dans laquelle elles occupent plus qu'un rôle secondaire. J'ai réalisé que représenter notre relation avec elles pouvait me permettre d'aborder certaines questions écologiques. Les pierres symbolisent une certaine tradition dans la façon de poser un regard sur la nature, tradition dont j'ai également hérité. Les pierres peuvent être vues comme une métaphore de notre regard sur la nature : quelque chose d'extérieur à nous, distant et étranger, une ressource qui existe pour que nous l'exploitions. Les calculs rénaux nous rappellent cependant que nous sommes faits des minéraux et des matériaux de cette planète. »
Sofie Benoot
« Je me suis intéressée au personnage de Sir David Attenborough et à la tradition des documentaires sur la nature qu'il a créée, car cela en dit long sur notre rapport à la nature. Quand on regarde Our Planet, on a l'impression d'être sur une autre planète. L’usage de toutes nouvelles techniques cinématographiques et les séquences en haute résolution rendent l'ensemble presque “extraterrestre”, comme s'il s'agissait d'un monde extérieur. On ne voit pas non plus de présence humaine, la nature devient quelque chose coupé de nous. Mon intention de remettre en question notre distance à l’égard de la nature correspondait à une attitude critique face à ce type de position narrative. Attenborough parle comme si c’était la “voix de Dieu” que l’on entend au-dessus des images. C’est ce type d’autorité que je voulais contester. »
Sofie Benoot
« Il y a quelque chose d'étrange à propos du temps dans le film : la narratrice parle des images comme si elle les regardait dans le passé, mais les personnages répondent à sa voix dans le présent. Les frontières entre le présent et le passé, l'intérieur et l'extérieur des espaces cinématographiques sont floues, tout comme le calcul rénal à l'intérieur du corps rend les frontières entre l'homme et la pierre plus poreuses. »
Sofie Benoot