Un voyage pénétrant dans le sud des États-Unis, où un homme noir a été sauvagement assassiné par trois hommes blancs. Il ne s'agit pas d'une anatomie du meurtre, ni de l'autopsie de James Byrd Jr. dont la présence hante tout le film, mais plutôt d’une évocation de la façon dont cet événement s'inscrit mentalement et physiquement dans un climat particulier. Le regard persistant d'Akerman révèle l'histoire violente cachée qui se cache dans le silence du Sud.
« Comment le silence peut soudain paraître lourd et plein de menaces? Comment les arbres et la nature tout entière peuvent soudain évoquer la mort, le sang, la grande et la petite histoire? Comment le présent évoque le passé? Comment ce passé peut par bouffées venir vous hanter au détour d'un champ de coton vide, d'une route, d'un geste ou d'un regard? »
Chantal Akerman
« Sud n’est pas seulement un film sur le lynchage ou l’esclavage des noirs aux États-Unis. C’est un film sur la violence du monde, et sur la façon dont l’histoire hante les paysages et s’inscrit dans notre regard. C’est un film qui, en dépassant la catégorisation du bien et du mal, en laissant à chaque personnage, même ceux qui prononcent les paroles les plus terribles, un espace de dignité, nous ébranle directement, questionne notre propre regard sur l’autre, et notre rapport à l’humanité. »
Claire Atherton
« Le silence du film est le silence de l’amnésie ou de l’impossibilité de dire – impossibilité qui se retrouve chez un Faulkner où les circonvolutions de l’écriture mettent en scène, en fait, l’incapacité du parler de. Comme l’exprime Addie Bundren dans As I Lay Dying, ‘words are no good; words dont ever fit what they are trying to say at.’ Il ne s’agit donc pas d’un documentaire sur le Sud des Etats-Unis, d’une excursion européenne dans un territoire américain exotique, mais d’une cartographie de la mémoire: ‘J’ai aussi eu envie d’aller voir là-bas ... si ce paysage garde les traces ou le souvenir même de quelque chose d’autre que leur propre beauté.’ Sud laisse la mémoire se faire, dessine un espace où la mémoire peut évoluer, espace de mémoire et mémoire de l’espace se rencontrent. »
Marie Liénard