

Quand Charles Dekeukeleire réalise Combat de boxe, il a vingt-deux ans et il est fou de cinéma. Il est enthousiasmé par Vertov et sa conception du “cinéma oeil” .
Paul Werrie, dont un des poèmes a servi d’argument à ce film, a raconté les conditions précaires et bricolées de la réalisation : “Un atelier de peintre tenait lieu de studio … nous étions quelques-uns à tendre les draps de lit qui allaient servir de ring. Mais les boxeurs étaient de vrais boxeurs. Ils boxaient sur les draps devant une corde que deux d’entre nous tendaient. Puis, par un truc de montage, l’auteur mêla le ring à des vues authentiques. On n’y vis que du feu. Quant à la foule que les pugilistes traversaient, elle fut filmée dans une cour d’école en haut d’une charrette de laitier. Nous étions bien douze, je crois, à figurer cette foule. Douze à la file. Quand d’attitude, ce qui donnait un mouvement très naturel.”
Ce film court et magnifique fonctionne sur des gros plans, des effets de surimpression, l’utilisation alternée de négatif et de positif, un travail lié au rythme. La violence du combat, la présence du public, la tension entre la foule et le ring, sont portés par un montage fulgurant et chorégraphique, où la succession des plans parfaitement concrets le dépassent pour capter moins l’abstrait que le sens même du combat, ses signes, le concept même de la boxe.
« Ce qui mérite peut-être le plus de valoir au cinéma belge une place dans I’histoire de I’art cinématographique, c’est I’initiative curieuse et hardie de Charles Dekeukeleire (…). Ce poème cinématographique d’avant-garde fit sensation à l’époque et il demeure parmi les réussites internationales du genre. Dekeukeleire obtenait des effets saisissants grâce à un habile mélange de positifs et de négatifs. Par son originale conception, par sa réalisation impeccable et son désir de s’évader des ornières de la production courante, « Combat de boxe » a atteint la classe universelle et c’est ce petit film d’avant-garde qui reste la manifestation la plus valable de la cinégraphie belge de cette époque. »
Jacques Polet
