Portrait intime et personnel de la Cinémathèque Royale de Belgique (rebaptisée CINEMATEK). Et sur cet écran-là, des éclats du monde, une idée de l’Histoire, de la beauté. Sur cet écran-là, une part congrue d’humanité. Je suis ce que j’ai vu, dixit Matisse. Mais toutes les images vues ne demeurent pas intactes. Et encore moins l’image de soi. Le temps les traverse, les abime, les martyrise. Et ce délicat épiderme – le nitrate – en est le symptôme. Archipels nitrate parle de cinéma et de temps sous la forme d’une partition visuelle et fait coexister une centaine de films au sein d’un seul et même voyage.
« On criait au miracle. »
Titres d’ouverture du film
« Des images. Par milliers. Avec ou sans sons. Parfois intactes, d’autres fois rayées, virées, presque effacées. Des images par milliers qui reviennent à l’esprit de manière sauvage et incontrôlable. Pourquoi ce plan de Sayat Nova de Paradjanov, pourquoi cet autre de The great train robbery de Porter, pourquoi ce regard de Maurice Ronet dans Le Feu follet de L. Malle ou ce visage de l’enseignant sidéré par la beauté de son élève dans De man die zijn haar kort liet knippen de A. Delvaux ? Pourquoi ces images s’incrustent-elles, survivent-elles à d’autres ? Je l’ignore. Soustraites à leur récit initial, ces images nourrissent − dans Archipels Nitrate − une nouvelle partition visuelle. Et c’est un peu le lot de toutes les images car − mémorisées − tout spectateur en fait un usage très intime et détourné pour lequel il n’a de comptes à rendre. Vues, aimées ou pas, elles nous appartiennent aussitôt. Elles cristallisent en elles − parfois − un monde, une vision du monde. Ce qui soude, lie une image à une autre est imprévisible, archaïque. En nous, ces images − de films, d’époques, d’écritures différentes − se parlent, se regardent, s’échangent du sens. Et qu’on le souhaite ou pas, elles parlent toutes de temps. Toute image garde la trace d’un temps. »
Claudio Pazienza