Branden est un poème collectif sur l’embrasement du pays natal, les conflits armés, sur le feu et la fumée qui transforment les êtres humains en 'réfugiés'. Il s’agit d’une conversation avec cinq femmes issues de différentes diasporas, qui évoquent le fait de quitter l’endroit où elles sont nées, leur départ, et leur arrivée impossible. Une ode à la femme déplacée.
« La forme poétique libre exploitée par la réalisatrice donne l’impression que le film obéit à ses propres images et sons, qui semblent affluer de manière improvisée, voire instinctive. »
Basile Pernet
Branden
Texte d’introduction par Nina de Vroome
Lisette Ma Neza (1997) est originaire des Pays-Bas et est venue à Bruxelles pour étudier le cinéma à LUCA School of Arts, où elle a réalisé son film de fin d’étude Branden. En 2024, elle a été nommée toute première poétesse officielle de la ville de Bruxelles. Sa pratique artistique est un essai permanent de se traduire elle-même et les autres. Elle s’intéresse à la vie et aux émotions des déracinés, des survivants de la violence, des Africains en Europe, des diasporas, des femmes. Cette recherche aboutit à des essais poétiques, de l’art de la parole, des films et du théâtre, comme avec sa pièce The Weight of a Woman. Trente ans après le génocide au Rwanda, d’où sa famille est originaire, elle y réfléchit à la valeur de la vie après la violence à un niveau personnel ou universel. Elle s'adresse à ses grands-mères lorsqu'elle soulève ces questions, et se demande comment nous pouvons pardonner à nous-mêmes et aux autres.
Dans son film Branden aussi, elle s’adresse à sa grand-mère. Une femme incarnant une grande histoire qui est observée avec tendresse pendant qu’elle tricote. Elle raconte l’histoire d’un soldat rwandais découragé qui rangeait son fusil sur son épaule alors qu’il n’avait plus de munitions. Elle se glisse dans son rôle en plaçant son aiguille à tricoter contre son épaule comme une arme. Derrière la caméra, Ma Neza réagit aux gestes de sa grand-mère. D’autres femmes prennent également la parole : sa voisine et ses amies parlent à sa caméra. Elles ne parlent pas d’une manière ordinaire, mais elles réfléchissent ensemble, et s’attardent sur des souvenirs marquants. Phrase après phrase, elles tentent de retracer une histoire, sur qui “nous” sommes. « Nous sommes les gens d’après le voyage. Nous sommes le sol mouillé après la pluie. » Branden devient ainsi un poème collectif, dans lequel Ma Neza et ses interlocutrices trouvent ensemble des mots pour exprimer leurs expériences. Leurs mots crient l’embrasement de leurs pays natals, le feu et la fumée des conflits armés. Mais il y a aussi la chaleur de l’amitié, de l’amour et l’accueil d’une nouvelle vie.
Dans une interview à Kortfilm avec l’écrivaine et artiste Margot De Grave Loyson, Ma Neza raconte comment les conversations dans le film ont pris forme. « Je veux parler de sujets difficiles. Mais demander à ma grand-mère de parler de la façon dont elle s'est enfuie à l'époque n'est pas évident du tout. En donnant une forme poétique à mes questions — ‘qui étiez-vous’, ‘que voyiez-vous’ — j’ai tout de même réussi à en parler sans que cela devienne trop douloureux. » Le langage prenant une intensité poétique, les conversations peuvent alors exprimer des expériences intimes. Ainsi, la jeune voisine se rappelle de « beaucoup de matelas » pendant une étape sur la route de l’Europe. Ce détail n’est qu’une discrète évocation des dangers et des épreuves qu’elle a dû affronter avec sa famille, donnant ainsi au langage une intensité poétique.
Ma Neza se qualifie elle-même de poétesse avec une caméra. Elle filme souvent des images de sa vie quotidienne, avec un petit caméscope ou simplement avec son téléphone. Elle a ainsi construit une archive, une collection de souvenirs et d’impressions qu’elle a assemblé dans le montage de Branden, en quête d’expressivité. Les mots sont prononcés, et apparaissent également sous forme de texte dans les images. La poésie devient ainsi une composition d'images, mais aussi une manière de parler et de s'écouter.
Les interlocutrices de Ma Neza regardent droit dans la caméra. Ils s’adressent à la réalisatrice, mais aussi au public, qui se sent bienvenu dans son rôle de témoin de leur expériences et de leurs souvenirs. L’amie qui vient d’Afghanistan raconte son expérience d’arrivée aux Pays-Bas lorsqu’elle était enfant ainsi: « Nous sommes les enfants qui étaient tellement occupés à s'adapter que nous avons oublié que nous nous étions enfuis. » Dans ce film, elles se retrouvent à travers leur histoire similaire, qui est une expérience universelle de déracinement.
Ma Neza raconte que son film cherche à relier les histoires de toutes les femmes dont les racines sont ailleurs qui essaient de se sentir chez elles, même si ce n'est pas toujours facile. Ce sont des femmes fortes, et malgré tout, il y a toujours de l'espoir. Selon Ma Neza, « pour moi, Branden représente un feu qui ne s'éteint jamais. Cela me rappelle un vers d'un poème d'Alfred Schaffer : “J'étais un corps sombre que l'on pouvait éteindre, mais je brûlais quand même” ».
Nina de Vroome,
Réalisatrice, écrivaine et rédactrice du magazine de cinéma belge Sabzian
Branden
Texte d’introduction par Nina de Vroome
Lisette Ma Neza (1997) est originaire des Pays-Bas et est venue à Bruxelles pour étudier le cinéma à LUCA School of Arts, où elle a réalisé son film de fin d’étude Branden. En 2024, elle a été nommée toute première poétesse officielle de la ville de Bruxelles. Sa pratique artistique est un essai permanent de se traduire elle-même et les autres. Elle s’intéresse à la vie et aux émotions des déracinés, des survivants de la violence, des Africains en Europe, des diasporas, des femmes. Cette recherche aboutit à des essais poétiques, de l’art de la parole, des films et du théâtre, comme avec sa pièce The Weight of a Woman. Trente ans après le génocide au Rwanda, d’où sa famille est originaire, elle y réfléchit à la valeur de la vie après la violence à un niveau personnel ou universel. Elle s'adresse à ses grands-mères lorsqu'elle soulève ces questions, et se demande comment nous pouvons pardonner à nous-mêmes et aux autres.
Dans son film Branden aussi, elle s’adresse à sa grand-mère. Une femme incarnant une grande histoire qui est observée avec tendresse pendant qu’elle tricote. Elle raconte l’histoire d’un soldat rwandais découragé qui rangeait son fusil sur son épaule alors qu’il n’avait plus de munitions. Elle se glisse dans son rôle en plaçant son aiguille à tricoter contre son épaule comme une arme. Derrière la caméra, Ma Neza réagit aux gestes de sa grand-mère. D’autres femmes prennent également la parole : sa voisine et ses amies parlent à sa caméra. Elles ne parlent pas d’une manière ordinaire, mais elles réfléchissent ensemble, et s’attardent sur des souvenirs marquants. Phrase après phrase, elles tentent de retracer une histoire, sur qui “nous” sommes. « Nous sommes les gens d’après le voyage. Nous sommes le sol mouillé après la pluie. » Branden devient ainsi un poème collectif, dans lequel Ma Neza et ses interlocutrices trouvent ensemble des mots pour exprimer leurs expériences. Leurs mots crient l’embrasement de leurs pays natals, le feu et la fumée des conflits armés. Mais il y a aussi la chaleur de l’amitié, de l’amour et l’accueil d’une nouvelle vie.
Dans une interview à Kortfilm avec l’écrivaine et artiste Margot De Grave Loyson, Ma Neza raconte comment les conversations dans le film ont pris forme. « Je veux parler de sujets difficiles. Mais demander à ma grand-mère de parler de la façon dont elle s'est enfuie à l'époque n'est pas évident du tout. En donnant une forme poétique à mes questions — ‘qui étiez-vous’, ‘que voyiez-vous’ — j’ai tout de même réussi à en parler sans que cela devienne trop douloureux. » Le langage prenant une intensité poétique, les conversations peuvent alors exprimer des expériences intimes. Ainsi, la jeune voisine se rappelle de « beaucoup de matelas » pendant une étape sur la route de l’Europe. Ce détail n’est qu’une discrète évocation des dangers et des épreuves qu’elle a dû affronter avec sa famille, donnant ainsi au langage une intensité poétique.
Ma Neza se qualifie elle-même de poétesse avec une caméra. Elle filme souvent des images de sa vie quotidienne, avec un petit caméscope ou simplement avec son téléphone. Elle a ainsi construit une archive, une collection de souvenirs et d’impressions qu’elle a assemblé dans le montage de Branden, en quête d’expressivité. Les mots sont prononcés, et apparaissent également sous forme de texte dans les images. La poésie devient ainsi une composition d'images, mais aussi une manière de parler et de s'écouter.
Les interlocutrices de Ma Neza regardent droit dans la caméra. Ils s’adressent à la réalisatrice, mais aussi au public, qui se sent bienvenu dans son rôle de témoin de leur expériences et de leurs souvenirs. L’amie qui vient d’Afghanistan raconte son expérience d’arrivée aux Pays-Bas lorsqu’elle était enfant ainsi: « Nous sommes les enfants qui étaient tellement occupés à s'adapter que nous avons oublié que nous nous étions enfuis. » Dans ce film, elles se retrouvent à travers leur histoire similaire, qui est une expérience universelle de déracinement.
Ma Neza raconte que son film cherche à relier les histoires de toutes les femmes dont les racines sont ailleurs qui essaient de se sentir chez elles, même si ce n'est pas toujours facile. Ce sont des femmes fortes, et malgré tout, il y a toujours de l'espoir. Selon Ma Neza, « pour moi, Branden représente un feu qui ne s'éteint jamais. Cela me rappelle un vers d'un poème d'Alfred Schaffer : “J'étais un corps sombre que l'on pouvait éteindre, mais je brûlais quand même” ».
Nina de Vroome,
Réalisatrice, écrivaine et rédactrice du magazine de cinéma belge Sabzian